Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°823)

Chapitre VII

Ah ! la jeunesse, il en avait une faim dévorante ! Au déclin de sa vie, ce désir passionné de jeunesse était la révolte contre l'âge menaçant, une envie désespérée de revenir en arrière, de recommencer. Et, dans ce besoin de recommencer, il n'y avait pas seulement, pour lui, le regret des premiers bonheurs, l'inestimable prix des heures mortes, auxquelles le souvenir prête son charme ; il y avait aussi la volonté bien arrêtée de jouir, cette fois, de sa santé et de sa force, de ne rien perdre de la joie d'aimer. Ah ! la jeunesse, comme il y aurait mordu à pleines dents, comme il l'aurait revécue avec l'appétit vorace de toute la manger et de toute la boire, avant de vieillir. Une émotion l'angoissait, lorsqu'il se revoyait à vingt ans, la taille mince, d'une vigueur bien portante de jeune chêne, les dents éclatantes, les cheveux drus etnoirs. Avec quelle fougue il les aurait fêtés, ces dons dédaignés autrefois, si un prodige les lui avait rendus ! Et la jeunesse chez la femme, une jeune fille qui passait, le troublait, le jetait à un attendrissement profond. C'était même souvent en dehors de la personne, l'image seule de la jeunesse, l'odeur pure et l'éclat qui sortait d'elle, des yeux clairs, des lèvres saines, des joues fraîches, un cou délicat surtout, satiné et rond, ombré de cheveux follets sur la nuque ; et la jeunesse lui apparaissait toujours fine et grande, divinement élancée en sa nudité tranquille. Ses regards suivaient l'apparition, son cœur se noyait d'un désir infini. Il n'y avait que la jeunesse de bonne et de désirable, elle était la fleur du monde, la seule beauté, la seule joie, le seul vrai bien, avec la santé, que la nature pouvait donner à l'être. Ah ! recommencer, être jeune encore, avoir à soi, dans une étreinte, toute la femme jeune !

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