Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°90)

Chapitre A la mémoire de MA MERE et à MA CHERE FEMME je dédie ce roman qui est le résumé et la conclusion de toute mon œuvre.1

D'un air attentif et inquiet, Félicité la regardait, car cette nomination de Saccard, ce ralliement à la République, était une chose énorme. Après la chute de l'Empire, il avait osé rentrer en France, malgré sa condamnation comme directeur de la Banque universelle, dont l'effondrement colossal avait précédé celui du régime. Des influences nouvelles, toute une intrigue extraordinaire devait l'avoir remis sur pied. Non seulement il avait eu sa grâce, mais encore il était une fois de plus en train de brasser des affaires considérables, lancé dans le grand journalisme, retrouvant sa part dans tous les pots-de-vin. Et le souvenir s'évoquait des brouilles de jadis, entre lui et son frère Eugène Rougon, qu'il avait compromis si souvent, et que, par un retour ironique des choses, il allait peut-être protéger, maintenant que l'ancien ministre de l'Empire n'était plus qu'un simple député, résigné au seul rôle de défendre son maître déchu, avec l'entêtement que sa mère mettait à défendre sa famille. Elle obéissait encore docilement aux ordres de son fils aîné, l'aigle, même foudroyé ; mais Saccard, quoi qu'il fît, lui tenait aussi au cœur, par son indomptable besoin du succès ; et elle était en outre fière de Maxime, le frère de Clotilde, qui s'était réinstallé, après la guerre, dans son hôtel de l'avenue du Bois-de-Boulogne, où il mangeait la fortune que lui avait laissée sa femme, devenu prudent, d'une sagesse d'homme atteint dans ses moelles, rusant avec la paralysie menaçante.

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