Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°934)

Chapitre VII

Maître, maître, cela vient de loin, il faut que je te dise et me confesse... C'est vrai que j'allais à l'église pour être heureuse. Le malheur était que je ne pouvais pas croire : je voulais trop comprendre, leurs dogmes révoltaient ma raison, leur paradis me semblait une puérilité invraisemblable... Cependant, je croyais que le monde ne s'arrête pas à la sensation, qu'il y a tout un monde inconnu dont il faut tenir compte ; et cela, maître, je le crois encore, c'est l'idée de l'au-delà, que le bonheur même, enfin trouvé à ton cou, n'effacera pas... Mais ce besoin du bonheur, ce besoin d'être heureuse tout de suite, d'avoir une certitude, comme j'en ai souffert ! Si j'allais à l'église, c'était qu'il me manquait quelque chose et que je le cherchais. Mon angoisse était faite de cette irrésistible envie de combler mon désir... Tu te souviens de ce que tu appelais mon éternelle soif d'illusion et de mensonge. Une nuit, sur l'aire, par un grand ciel étoilé, tu te souviens ? J'avais l'horreur de ta science, je m'irritais contre les ruines dont elle sème le sol, je détournais les yeux des plaies effroyables qu'elle découvre. Et je voulais, maître, t'emmener dans une solitude, tous les deux ignorés, loin du monde, pour vivre en Dieu... Ah ! quel tourment, d'avoir soif, et de se débattre, et de n'être point contentée !

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