Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°936)

Chapitre VII

Puis, maître, tu te souviens encore, continua-t-elle de sa voix légère comme un souffle, ce fut le grand choc moral, par la nuit d'orage, lorsque tu me donnas cette terrible leçon de vie, en vidant tes dossiers devant moi. Tu me l'avais dit déjà : " Connais la vie, aime-la, vis-la telle qu'elle doit être vécue. " Mais quel effroyable et vaste fleuve, roulant tout à une mer humaine, qu'il grossit sans cesse pour l'avenir inconnu !... Et, vois-tu, maître, le sourd travail, en moi, est parti de là. C'est de là qu'est née, en mon cœur et en ma chair, la force amère de la réalité. D'abord, je suis restée comme anéantie, tant le coup était rude. Je ne me retrouvais pas, je gardais le silence, parce que je n'avais rien de net à dire. Ensuite, peu à peu, l'évolution s'est produite, j'ai eu des révoltes dernières, pour ne pas avouer ma défaite... Cependant, chaque jour davantage, la vérité se faisait en moi, je sentais bien que tu étais mon maître, qu'il n'y avait pas de bonheur en dehors de toi, de ta science et de ta bonté. Tu étais la vie elle-même, tolérante et large, disant tout, acceptant tout, dans l'unique amour de la santé et de l'effort, croyant à l'œuvre du monde, mettant le sens de la destinée dans ce labeur que nous accomplissons tous avec passion, en nous acharnant à vivre, à aimer, à refaire de la vie, et de la vie encore, malgré nos abominations et nos misères... Oh ! vivre, vivre, c'est la grande besogne, c'est l'œuvre continuée, achevée sans doute un soir !

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