Le Docteur Pascal

Le Docteur Pascal (paragraphe n°968)

Chapitre VIII

Et Pascal, lui, était redevenu beau, dans l'amour, de sa beauté sereine d'homme resté vigoureux, sous ses cheveux blancs. Il n'avait plus sa face douloureuse des mois de chagrin et de souffrance qu'il venait de passer ; il reprenait sa bonne figure, ses grands yeux vifs, encore pleins d'enfance, ses traits fins, où riait la bonté ; tandis que ses cheveux blancs, sa barbe blanche, poussaient plus drus, d'une abondance léonine, dont le flot de neige le rajeunissait. Il s'était gardé si longtemps, dans sa vie solitaire de travailleur acharné, sans vices, sans débauches, qu'il retrouvait sa virilité, mise à l'écart, renaissante, ayant la hâte de se contenter enfin. Un réveil l'emportait, une fougue de jeune homme éclatait en gestes, en cris, en un besoin continuel de se dépenser et de vivre. Tout lui redevenait nouveau et ravissant, le moindre coin du vaste horizon l'émerveillait, une simple fleur le jetait dans une extase de parfum, un mot de tendresse quotidienne, affaibli par l'usage, le touchait aux larmes comme une invention toute fraîche du cœur, que des millions de bouches n'avaient point fanée. Le " Je t'aime " de Clotilde était une infinie caresse dont personne au monde ne connaissait le goût surhumain. Et, avec la santé, avec la beauté, la gaieté aussi lui étaitrevenue, cette gaieté tranquille qu'il devait autrefois à son amour de la vie, et qu'aujourd'hui ensoleillait sa passion, toutes les raisons qu'il avait de trouver la vie meilleure encore.

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