Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°1039)

Chapitre XIV

Deux fauteuils de velours cramoisi attendaient Félicien et Angélique devant l'autel ; et, derrière eux, pendant que les orgues élargissaient leur phrase de bienvenue, Hubert et Hubertine s'agenouillèrent sur les prie-Dieu destinés à la famille. La veille, ils avaient eu une joie immense, dont ils demeuraient éperdus, ne trouvant point assez d'actions de grâces pour leur bonheur à eux, qui s'ajoutait à celui de leur fille. Hubertine, étant allée au cimetière une fois encore, dans la pensée triste de leur solitude, de la petite maison vide, lorsque cette fille aimée ne serait plus là, avait supplié samère longtemps ; et, tout d'un coup, un choc en elle l'avait redressée, frémissante, exaucée enfin. Du fond de la terre, après trente ans, la morte obstinée pardonnait, leur envoyait l'enfant du pardon, si ardemment désiré et attendu. Etait-ce la récompense de leur charité, de cette pauvre créature de misère recueillie, un jour de neige, à la porte de la cathédrale, aujourd'hui mariée à un prince, dans toute la pompe des grandes cérémonies ? Ils en restaient sur les deux genoux, sans prière, sans paroles formulées, ravis de gratitude, tout leur être s'exhalant en un remerciement infini. Et, de l'autre côté de la nef, sur son siège épiscopal, Monseigneur était lui aussi de la famille, plein de la majesté du Dieu qu'il représentait : il resplendissait, dans la gloire de ses vêtements sacrés, la face d'une hauteur sereine, dégagé des passions de ce monde ; tandis que les deux anges du panneau de broderie, au-dessus de sa tête, soutenaient les armes éclatantes des Hautecœur.

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