Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°206)

Chapitre IV

Eh ! quoi, vraiment, les lilas et les cytises invisibles de l'Evêché avaient une odeur si douce, qu'elle ne la respirait plus, sans qu'un flot rose lui montât aux joues ? Jamais encore elle ne s'était aperçue de cette tiédeur des parfums, qui, maintenant, l'effleuraient d'une haleine vivante. Et, aussi, comment n'avait-elle pas remarqué, les années précédentes, un grand paulownia en fleur, dont l'énorme bouquet violâtre apparaissait entre deux ormesdu jardin des Voincourt ? Cette année, dès qu'elle le regardait, une émotion troublait ses yeux, tellement ce violet pâle lui allait au cœur. De même, elle ne se souvenait point d'avoir entendu la Chevrotte causer si haut sur les cailloux, parmi les joncs de ses rives. Le ruisseau parlait sûrement, elle l'écoutait dire des mots vagues, toujours répétés, qui l'emplissaient de trouble. N'était-ce donc plus le champ d'autrefois, que tout l'y étonnait et y prenait de la sorte des sens nouveaux ? ou bien était-ce elle, plutôt, qui changeait, pour y sentir, y voir et y entendre germer la vie ?

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