Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°210)

Chapitre IV

Le fond du vitrail était bleu, la bordure, rouge. Sur ce fond d'une sombre richesse, les personnages, dont les draperies volantes indiquaient le nu, s'enlevaient en teintes vives, chaque partie faite de verres colorés, ombrés de noir, pris dans les plombs. Trois scènes de la légende, superposées, occupaient la fenêtre, jusqu'à l'archivolte. Dans le bas, la fille du roi, sortie de la ville en habits royaux, pour être mangée, rencontrait saint Georges, près de l'étang, d'où émergeait déjà la tête du monstre ; et une banderole portait ces mots : " Bon chevalier, ne te péris pas pour moy, car tu ne me pourrois ayder ne delivrer, mais periroys avec moy. " Puis, au milieu, c'était le combat, le saint à cheval traversant le monstre de part en part, ce qu'expliquait cette phrase : " George brandit tellement sa lance qu'il navra le dragon et le gecta à terre. " Enfin, au-dessus, la fille du roi emmenait à la ville le monstre vaincu : " George dist : gecte luy ta ceinture entour le col, et ne te doubte en rien, belle fille. Et quant elle eut ce faict, le dragon la suyvit comme un tres débonnaire chien. " Lors de son exécution, le vitrail devait être surmonté, dans le plein cintre, d'un motif d'ornement. Mais, plus tard, quand la chapelle appartint aux Hautecœur, ils remplacèrent ce motif par leurs armes. Et c'était ainsi que, durant les nuits obscures, flambaient, au-dessus de la légende, desarmoiries de travail plus récent, éclatantes. Ecartelé, un et quatre, deux et trois, de Jérusalem et d'Hautecœur ; de Jérusalem, qui est d'argent à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes de même ; Hautecœur, qui est d'azur à la forteresse d'or, avec un écusson de sable au cœur d'argent en abîme, le tout accompagné de trois fleurs de lis d'or, deux en chef, une en pointe. L'écu était soutenu, de dextre et de senestre, par deux chimères d'or, et timbré, au milieu d'un plumail d'azur, du casque d'argent, damasquiné d'or, taré de front et fermé d'onze grilles, qui est le casque des ducs, maréchaux de France, seigneurs titrés et chefs de compagnies souveraines. Et, pour devise : " Si Dieu volt je vueil. "

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