Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°228)

Chapitre V

Elle calait la pierre, elle retournait en arracher une autre aux décombres du moulin, ravie de se dépenser, de se fatiguer ; et, quand elle se meurtrissait un doigt, elle le secouait, elle disait que ce n'était rien. Dans la journée, la famille de pauvres qui se terrait sous ces ruines s'en allait à l'aumône, débandée par les routes. Le clos restait solitaire, d'une solitude délicieuse et fraîche, avec ses bouquets de saules pâles, ses hauts peupliers, son herbe surtout, son débordement d'herbe folle, si vivace, qu'on y entrait jusqu'aux épaules. Un silence frissonnant venait des deux parcs voisins, dont les grands arbres barraient l'horizon. Dès trois heures, l'ombre de la cathédrale s'allongeait, d'une douceur recueillie, d'un parfum évaporé d'encens.

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