Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°232)

Chapitre V

Gaiement, sans embarras, Angélique reprit sa place, à genoux dans la paille de sa boîte. Puis, de ses poignets nus, elle se remit à agiter le linge au fond de l'eau claire. C'était lui, grand, mince, blond, avec sa barbe fine et ses cheveux bouclés de jeune dieu, aussi blanc de peau qu'elle l'avait vu sous la blancheur de la lune. Puisque c'était lui, le vitrail n'avait rien à craindre : s'il y touchait, il l'embellirait. Et elle n'éprouvait aucune désillusion, à le retrouver vêtu de cette blouse, ouvrier comme elle, peintre verrier sans doute. Cela, au contraire, la faisait sourire, dans son absolue certitude en son rêve de royale fortune. Il n'y avait qu'apparence. A quoi bon savoir ? Un matin, il serait celui qu'il devait être. La pluie d'or ruisselait du comble de la cathédrale, une marchetriomphale éclatait, dans le grondement lointain des orgues. Même elle ne se demandait pas quel chemin il prenait pour être là, de nuit et de jour. A moins d'habiter une des maisons voisines, il ne pouvait passer que par la ruelle des Guerdaches, qui longeait le mur de l'Evêché, jusqu'à la rue Magloire.

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