Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°422)

Chapitre VII

Alors, ce fit Angélique qui, assise sur son séant, au milieu de son lit, écouta. Le silence était si absolu, qu'elle distinguait la pression légère des talons au bord de chaque marche. En bas, la porte de la chambre s'ouvrit, se referma ; puis, elle saisit un murmure à peine distinct, un chuchotement affectueux et triste, ce que ses parents disaient d'elle sans doute, leurs craintes, leurs souhaits ; et cela ne cessait pas, bien qu'ils dussent s'être couchés, après avoir éteint la lumière. Jamais les bruits nocturnes du vieux logis n'étaient montés de la sorte jusqu'à elle. D'habitude, elle dormait de son gros sommeil de jeunesse, elle n'entendait pas même les meubles craquer ;tandis que, dans l'insomnie de sa passion combattue, il lui semblait que la maison entière aimait et se lamentait. N'étaient-ce pas les Hubert qui, eux aussi, étouffaient des larmes, toute une tendresse éperdue et désolée d'être stériles ? Elle ne savait rien, elle avait la seule sensation, dans la nuit chaude, au-dessous d'elle, de cette veille des deux époux, un grand amour, un grand chagrin, la longue et chaste étreinte des noces toujours jeunes.

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