Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°423)

Chapitre VII

Et, pendant qu'elle était assise, écoutant la maison frissonnante et soupirante, Angélique ne pouvait se contenir, ses larmes coulaient encore ; mais, à présent, elles ruisselaient muettes, tièdes et vives, pareilles au sang de ses veines. Une seule question, depuis le matin, se retournait en elle, la blessait dans tout son être : avait-elle eu raison de désespérer Félicien, de le renvoyer ainsi, avec la pensée qu'elle ne l'aimait pas, enfoncée en plein cœur, comme un couteau ? Elle l'aimait, et elle lui avait fait cette souffrance, et elle-même en souffrait affreusement. Pourquoi tant de douleur ? les saintes demandaient-elles des larmes ? est-ce que cela aurait fâché Agnès, de la savoir heureuse ? Un doute, maintenant, la déchirait. Autrefois, lorsqu'elle attendait celui qui devait venir, elle arrangeait mieux les choses : il entrerait, elle le reconnaîtrait, tous deux s'en iraient ensemble, très loin, pour toujours. Et il était venu, et voilà que l'un et l'autre sanglotaient, à jamais séparés. A quoi bon ? que s'était-il donc produit ? qui avait exigé d'elle ce cruel serment, de l'aimer sans le lui dire ?

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