Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°513)

Chapitre VIII

Une demi-heure se passa. Puis, d'un seul coup, les deux vantaux de la porte Sainte-Agnès furent poussés, les profondeurs de l'église apparurent, sombres, piquées des petites taches luisantes des cierges. Et d'abord le porte-croix sortit, un sous-diacre en tunique, flanqué de deux acolytes tenant chacun un grand flambeau allumé. Derrière eux, se hâtait le cérémoniaire, le bon abbé Cornille, qui, après s'être assuré du bel état de la rue, s'arrêta sous le porche, assista au défilé un instant, pour vérifier si les places d'ordre étaient bien prises. Les confréries laïques ouvraient la marche, des associations pieuses, des écoles, par rang d'ancienneté. Il y avait des enfants tout petits, des fillettes en blanc, pareilles à des épousées, des garçonnets frisés et nu-tête, endimanchés comme des princes, ravis, cherchant déjà leurs mères du regard. Un gaillard de neuf ans allait seul, au milieu, vêtu en saint Jean-Baptiste, avec une peau de mouton sur ses maigres épaules nues. Quatre gamines, fleuries de rubans roses, portaient un pavois de mousseline, où se dressaitune gerbe de blé mûr. Puis, c'étaient de grandes demoiselles, groupées autour d'une bannière de la Vierge, des dames en noir qui avaient également leur bannière, une soie cramoisie brodée d'un saint Joseph, d'autres, d'autres bannières encore, en velours, en satin, balancées au bout des bâtons dorés. Les confréries d'hommes n'étaient pas moins nombreuses, des pénitents de toutes les couleurs, les pénitents gris surtout, vêtus de toile bise, encapuchonnés, et dont l'emblème faisait sensation, une immense croix garnie d'une roue, à laquelle pendaient, accrochés, les instruments de la Passion.

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