Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°77)

Chapitre II

Lorsque Angélique fit sa première communion, il lui sembla qu'elle marchait comme les saintes, à deux coudées de terre. Elle était une jeune chrétienne de la primitive Eglise, elle se remettait aux mains de Dieu, ayant appris dans le livre qu'elle ne pouvait être sauvée sans la grâce. Les Hubert pratiquaient, simplement : la messe le dimanche, la communion aux grandes fêtes ; et cela avec la foi tranquille des humbles, un peu aussi par tradition et pour leur clientèle, les chasubliers ayant de père en fils fait leurs pâques. Hubert, lui, s'interrompaitparfois de tendre un métier, pour écouter l'enfant lire ses légendes, dont il frémissait avec elle, les cheveux envolés au léger souffle de l'invisible. Il avait de sa passion, il pleura, lorsqu'il la vit en robe blanche. Cette journée fut comme un songe, tous les deux revinrent de l'église, étonnés et las. Il fallut qu'Hubertine les grondât, le soir, elle raisonnable qui condamnait l'exagération, même dans les bonnes choses. Dès lors, elle dut combattre le zèle d'Angélique, surtout l'emportement de charité dont celle-ci était prise. François avait la pauvreté pour maîtresse, Julien l'Aumônier appelait les pauvres ses seigneurs, Gervais et Protais leur lavaient les pieds, Martin partageait avec eux son manteau. Et l'enfant, à l'exemple de Luce, voulait tout vendre pour tout donner. Elle s'était dépouillée d'abord de ses menues affaires, ensuite elle avait commencé à piller la maison. Mais le comble devint qu'elle donnait à des indignes, sans discernement, les mains ouvertes. Un soir, le surlendemain de la première communion, réprimandée pour avoir jeté par la fenêtre du linge à une ivrognesse, elle retomba dans ses anciennes violences, elle eut un accès terrible. Puis, écrasée de honte, malade, elle garda le lit trois jours.

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