Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°806)

Chapitre XI

Une heure se passa, et Angélique marchait à pas ralentis, entres les linges, toute blanche elle-même de l'aveuglant reflet du soleil, et une voix confuse s'élevait dans son être, grandissait, l'empêchait d'aller là-bas, à la grille. Elle s'effrayait devant cette lutte commençante. Quoi donc ? il n'y avait pas en elle que son vouloir ? une autre chose, qu'on y avait mise sans doute, la contrecarrait, bouleversait la bonne simplicité de sa passion. C'était si simple, de courir à celui qu'on aime ; et elle ne le pouvait déjà plus, le tourment du doute la tenait : elle avait juré, puis ce serait très mal peut-être. Lesoir, lorsque la lessive fut sèche et qu'Hubertine vint l'aider à la rentrer, elle ne s'était pas décidée encore, elle se donna la nuit pour réfléchir. Les bras débordant de ces linges de neige, qui sentaient bon, elle jeta un regard d'inquiétude au Clos-Marie, déjà noyé de crépuscule, comme à un coin de nature ami refusant d'être complice.

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