Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°807)

Chapitre XI

Le lendemain, Angélique s'éveilla pleine de trouble. D'autres nuits se passèrent, sans lui apporter une résolution. Elle ne retrouvait son calme que dans sa certitude d'être aimée. Cela était resté inébranlable, elle s'y reposait divinement. Aimée, elle pouvait attendre, elle supporterait tout. Des crises de charité l'avaient reprise, elle s'attendrissait aux moindres souffrances, les yeux gonflés de larmes toujours près de jaillir. Le père Mascart se faisait donner du tabac, les Chouteau tiraient d'elle jusqu'à des confitures. Mais surtout les Lemballeuse profitaient de l'aubaine, on avait vu Tiennette danser dans les fêtes, avec une robe de la bonne demoiselle. Et voilà, un jour, comme Angélique apportait à la mère Lemballeuse des chemises promises la veille, qu'elle aperçut de loin, chez les mendiantes, madame de Voincourt et sa fille Claire, accompagnées de Félicien. Celui-ci, sans doute, les avait amenées. Elle ne se montra pas, elle s'en revint, le cœur glacé. Deux jours plus tard, elle les vit qui entraient tous les trois chez les Chouteau ; puis, un matin, le père Mascart lui conta une visite du beau jeune homme avec deux dames. Alors, elle abandonna ses pauvres, qui n'étaient plus à elle, puisque, après les lui avoir pris, Félicien les donnait à ces femmes ; elle cessa de sortir, de peur de le rencontrer encore, de recevoir au cœur la blessure dont lasouffrance, chaque fois, s'enfonçait davantage ; et elle sentait que quelque chose mourait en elle, sa vie s'en allait goutte à goutte.

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