Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°814)

Chapitre XI

Alors, ce fut pitoyable, Angélique aima en désespérée, se débattit dans cet amour sans espoir, qu'elle ne pouvait tuer. Toujours, elle voulait courir à Félicien, le reconquérir en se jetant à son cou ; et, toujours, la bataille recommençait. Parfois, elle croyait avoir vaincu, il se faisait un grand silence en elle, il lui semblait se voir, comme elle aurait vu une étrangère, toute petite, toute froide, agenouillée en fille obéissante, dans l'humilité du renoncement : ce n'était plus elle, c'était la fille sage qu'elle devenait, que le milieu et l'éducation avaient faite.Puis, un flot de sang montait, l'étourdissait ; sa belle santé, sa jeunesse ardente galopaient en cavales échappées ; et elle se retrouvait avec son orgueil et sa passion, toute à l'inconnu violent de son origine. Pourquoi donc aurait-elle obéi ? Il n'y avait pas de devoir, il n'y avait que le libre désir. Déjà, elle apprêtait sa fuite, calculait l'heure favorable pour forcer la grille du jardin de l'Evêché. Mais, déjà aussi, l'angoisse revenait, un sourd malaise, le tourment du doute. Si elle cédait au mal, elle en aurait l'éternel remords. Des heures, des heures abominables se passaient, au milieu de cette incertitude du parti à prendre, sous ce vent de tempête qui, sans cesse, la rejetait de la révolte de son amour à l'horreur de la faute. Et elle sortait affaiblie de chaque victoire sur son cœur.

?>