Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°851)

Chapitre XI

A partir de ce jour, Angélique dut rester dans sa chambre. Sa faiblesse devenait telle, qu'elle ne pouvait descendre à l'atelier : tout de suite, sa tête tournait, ses jambes se dérobaient. D'abord, elle marcha, voyagea jusqu'au balcon, en s'aidant des meubles. Puis, il lui fallut se contenter d'aller de son lit à son fauteuil. La course était longue, elle ne la risquait que le matin et le soir, épuisée. Pourtant, elle travaillait toujours, abandonnant la broderie en bas-relief, trop rude, brodant des fleurs en soies nuancées ; et elle les brodait d'après nature, un bouquet de fleurs sans parfum, qui la laissaient calme, des hortensias et des roses trémières. Le bouquet fleurissait dans un vase, souvent elle se reposait longuement à le regarder, car la soie, si légère, pesait lourd à ses doigts. En deux journées, elle n'avait faitqu'une rose, toute fraîche, éclatante sur le satin ; mais c'était sa vie, elle tiendrait l'aiguille jusqu'au dernier souffle. Fondue de souffrance, amincie encore, elle n'était plus qu'une flamme pure et très belle.

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