Le Rêve

Le Rêve (paragraphe n°930)

Chapitre XII

Vous ne voulez pas me forcer à me jeter par là... Ecoutez donc, comprenez que j'ai avec moi ce qui m'entoure. Les choses me parlent depuis longtemps, j'entends des voix, et jamais je ne les ai entendues me parler si haut... Tenez ! c'est tout le Clos-Marie qui m'encourage à ne pas gâter mon existence et la vôtre, en me donnant à vous, contre la volonté de votre père. Cette voix chantante, c'est la Chevrotte, si claire, si fraîche, qu'elle semble avoir mis en moi sa pureté de cristal. Cette voix de foule, tendre et profonde, c'est le terrain entier, les herbes, les arbres, toute la vie paisible de ce coin sacré, travaillant à la paix de ma propre vie. Et les voix viennent de plus loin encore, des ormes de l'Evêché, de cet horizon de branches, dont la moindre s'intéresse à ma victoire... Puis, tenez ! cette grande voix souveraine, c'est ma vieille amie la cathédrale, qui m'a instruite, éternellement éveillée dans la nuit. Chacune de ses pierres, les colonnettes de ses fenêtres, les clochetons de ses contreforts, les arcs-boutants de son abside ont un murmure que je distingue, une langue que je comprends. Ecoutez ce qu'ils disent, que même dans la mort l'espérance reste. Lorsqu'on s'est humilié, l'amour demeure et triomphe... Et enfin, tenez ! l'air lui-même estplein d'un chuchotement d'âmes, voici mes compagnes les vierges qui arrivent, invisibles. Ecoutez, écoutez !

?>