Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°1208)

Chapitre V

Gavard, en effet, se compromettait beaucoup. Depuis que la conspiration mûrissait, il traînait partout dans sa poche le revolver qui effrayait tant sa concierge, madame Léonce. C'était un grand diable de revolver, qu'il avait acheté chez le meilleur armurier de Paris, avec des allures très mystérieuses. Le lendemain, il le montrait à toutes les femmes du pavillon aux volailles, comme un collégien qui cache un roman défendu dans son pupitre. Lui, laissait passer le canon au bord de sa poche ; il le faisait voir, d'un clignement d'yeux ; puis, il avait des réticences, des demi-aveux, toute la comédie d'un homme qui feint délicieusement d'avoir peur. Ce pistolet lui donnait une importance énorme ; il le rangeait définitivement parmi les gens dangereux. Parfois, au fond de sa boutique, il consentait à le sortir tout à fait de sa poche, pour le montrer à deux ou trois femmes. Il voulait que les femmes se missent devant lui, afin, disait-il, de le cacher avec leurs jupes. Alors, il l'armait, le manœuvrait, ajustait une oie ou une dinde pendues à l'étalage. L'effroi des femmes le ravissait ; il finissait par les rassurer, en leur disant qu'il n'était pas chargé. Mais il avait aussi des cartouches sur lui, dans une boîte qu'il ouvrait avec des précautions infinies. Quand on avait pesé les cartouches, il se décidait enfin à rentrer son arsenal. Et, les bras croisés, jubilant, pérorant pendant des heures :

?>