Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°204)

Chapitre II

A Paris, il ne pouvait plus être question de suivre les cours de l'Ecole de droit. Florent remit à plus tard toute ambition. Il trouva quelques leçons, s'installa avec Quenu, rue Royer-Collard, au coin de la rue Saint-Jacques, dans une grande chambre qu'il meubla de deux lits de fer, d'une armoire, d'une table et de quatre chaises. Dès lors, il eut un enfant. Sa paternité le charmait. Dans les premiers temps, le soir, quand il rentrait, il essayait de donner des leçons au petit ; mais celui-ci n'écoutait guère ; il avait la tête dure, refusait d'apprendre, sanglotant, regrettant l'époque où sa mère le laissait courir les rues. Florent, désespéré, cessait la leçon, le consolait, lui promettait des vacances indéfinies. Et pour s'excuser de sa faiblesse, il se disait qu'il n'avait pas pris le cher enfant avec lui dans le but de le contrarier. Ce fut sa règle de conduite, le regarder grandir en joie. Il l'adorait, était ravi de ses rires, goûtait des douceurs infinies à le sentir autour de lui, bien portant, ignorant de tout souci. Florent restait mince dans ses paletots noirs râpés, et son visage commençait à jaunir, au milieu des taquineries cruelles de l'enseignement. Quenu devenait un petit bonhomme tout rond, un peu bêta, sachant à peine lire et écrire, mais d'une belle humeur inaltérablequi emplissait de gaieté la grande chambre sombre de la rue Royer-Collard.

?>