Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°205)

Chapitre II

Cependant, les années passaient. Florent, qui avait hérité des dévouements de sa mère, gardait Quenu au logis comme une grande fille paresseuse. Il lui évitait jusqu'aux menus soins de l'intérieur ; c'était lui qui allait chercher les provisions, qui faisait le ménage et la cuisine. Cela, disait-il, le tirait de ses mauvaises pensées. Il était sombre d'ordinaire, se croyait méchant. Le soir, quand il rentrait, crotté, la tête basse de la haine des enfants des autres, il était tout attendri par l'embrassade de ce gros et grand garçon, qu'il trouvait en train de jouer à la toupie, sur le carreau de la chambre. Quenu riait de sa maladresse à faire les omelettes et de la façon sérieuse dont il mettait le pot-au-feu. La lampe éteinte, Florent redevenait triste, parfois, dans son lit. Il songeait à reprendre ses études de droit, il s'ingéniait pour disposer son temps de façon à suivre les cours de la faculté. Il y parvint, fut parfaitement heureux. Mais une petite fièvre qui le retint huit jours à la maison creusa un tel trou dans leur budget et l'inquiéta à un tel point qu'il abandonna toute idée de terminer ses études. Son enfant grandissait. Il entra comme professeur dans une pension de la rue de l'estrapade, aux appointements de dix-huit cents francs. C'était une fortune. Avec de l'économie, il allait mettre de l'argent de côté pour établir Quenu. A dix-huit ans, il le traitait encore en demoiselle qu'il faut doter.

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