Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°260)

Chapitre II

Le soir, Florent était tout habillé de neuf. Il s'était entêté à prendre encore un paletot et un pantalon noirs, malgré les conseils de Quenu, que cette couleur attristait. On ne le cacha plus, Lisa conta à qui voulut l'entendre l'histoire du cousin. Il vivait dans la charcuterie, s'oubliait sur une chaise de la cuisine, revenait s'adosser contre les marbres de la boutique. A table, Quenu le bourrait de nourriture, se fâchait parce qu'il était petit mangeur et qu'il laissait la moitié des viandes dont on lui emplissait son assiette. Lisa avait repris ses allures lentes et béates ; elle le tolérait, même le matin, quand il gênait le service ; elle l'oubliait, puis, lorsqu'elle le rencontrait, noir devant elle, elle avait un léger sursaut, et elle trouvait un de ses beaux sourires pourtant, afin de ne point le blesser. Le désintéressement de cet homme maigre l'avait frappée ; elle éprouvait pour lui une sorte de respect, mêlé d'une peur vague. Florent ne sentait qu'une grande affection autour de lui.

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