Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°411)

Chapitre II

Il rentrait, quand il rencontra Claude Lantier. Le peintre, renfermé au fond de son paletot verdâtre, avait la voix sourde, pleine de colère. Il s'emporta contre la peinture, dit que c'était un métier de chien, jura qu'il ne toucherait de sa vie à un pinceau. L'après-midi, il avait crevé d'un coup de pied une tête d'étude qu'il faisait d'après cette gueuse de Cadine. Il était sujet à ces emportements d'artiste impuissant en face des œuvres solides et vivantes qu'il rêvait. Alors, rien n'existait plus pour lui, il battait les rues, voyait noir, attendait le lendemain comme une résurrection. D'ordinaire, il disait qu'il se sentait gai le matin et horriblement malheureux le soir ; chacune de ses journées était un long effort désespéré. Florent eut peine à reconnaître le flâneur insouciant des nuits de la Halle. Ils s'étaient déjà retrouvés à la charcuterie. Claude, qui connaissait l'histoire du déporté, lui avait serré la main, en lui disant qu'il était un brave homme. Il allait, d'ailleurs, très rarement chez les Quenu.

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