Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°489)

Chapitre II

C'était le grand coup de feu, comme disait Quenu. Il retirait le boudin de la marmite. Pour ne point crever ni nouer les bouts ensemble, il les prenait avec un bâton, les enroulait, les portait dans la cour, où ils devaient sécher rapidement sur des claies. Léon l'aidait, soutenait les bouts trop longs. Ces guirlandes de boudin, qui traversaient la cuisine, toutes suantes, laissaient des traînées d'une fumée forte qui achevaient d'épaissir l'air. Auguste, donnant un dernier coup d'œil à la fonte du saindoux, avait, de son côté, découvert les deux marmites, où les graisses bouillaient lourdement, en laissant échapper, de chacun de leurs bouillons crevés, une légère explosion d'âcre vapeur. Le flot gras avait monté depuis le commencement de la veillée ; maintenant il noyait le gaz, emplissait la pièce, coulait partout, mettant dans un brouillard les blancheurs roussies de Quenu et de ses deux garçons. Lisa etAugustine s'étaient levées. Tous soufflaient comme s'ils venaient de trop manger.

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