Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°539)

Chapitre III

Pour donner à son établissement un air de café, monsieur Lebigre avait placé, en face du comptoir, contre le mur, deux petites tables de fonte vernie, avec quatre chaises. Un lustre à cinq becs et à globes dépolis pendait du plafond. L'œil-de-bœuf, une horloge toute dorée, était à gauche, au-dessus d'un tourniquet scellé dans la muraille. Puis, au fond, il y avait le cabinet particulier, un coin de la boutique que séparait une cloison, aux vitres blanchies par un dessin à petits carreaux ; pendant le jour, une fenêtre qui s'ouvrait sur la rue Pirouette l'éclairaitd'une clarté louche ; le soir, un bec de gaz y brûlait, au-dessus de deux tables peintes en faux marbre. C'était là que Gavard et ses amis politiques se réunissaient après leur dîner, chaque soir. Ils s'y regardaient comme chez eux, ils avaient habitué le patron à leur réserver la place. Quand le dernier venu avait tiré la porte de la cloison vitrée, ils se savaient si bien gardés, qu'ils parlaient très carrément " du grand coup de balai. " Pas un consommateur n'aurait osé entrer.

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