Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°660)

Chapitre III

Cependant, le soir, le gamin cassait la tête de sa mère avec des histoires sur son bon ami Florent. Le bon ami Florent avait dessiné des arbres et des hommes dans des cabanes. Le bon ami Florent avait un geste, comme ça, en disant que les hommes seraient meilleurs, s'ils savaient tous lire. Si bien que la Normande vivait dans l'intimité de l'homme qu'elle rêvait d'étrangler. Elle enferma un jour Muche à la maison, pour qu'il n'allât pas chez l'inspecteur ; mais il pleura tellement, qu'elle lui rendit la liberté le lendemain. Elle était très faible, avec sa carrure et son air hardi. Lorsque l'enfant lui racontait qu'il avait eu bien chaud, lorsqu'il lui revenait les vêtements secs, elle éprouvait une reconnaissance vague, un contentement de le savoir à l'abri, les pieds devant le feu. Plus tard, elle fut très attendrie, quand il lut devant elle un bout de journal maculé qui enveloppait une tranche de congre. Peu à peu, elle en arriva ainsi à penser, sans le dire, que Florent n'était peut-être pas un méchanthomme ; elle eut le respect de son instruction, mêlé à une curiosité croissante de le voir de plus près, de pénétrer dans sa vie. Puis, brusquement, elle se donna un prétexte, elle se persuada qu'elle tenait sa vengeance : il fallait être aimable pour le cousin, le brouiller avec la grosse Lisa ; ce serait plus drôle.

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