Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°875)

Chapitre IV

Mais ils eurent toujours une amitié particulière pour les grands paniers de plumes. Ils revenaient là, les nuits de tendresse. Les plumes n'étaient pas triées. Il y avait de longues plumes noires de dinde et des plumes d'oie, blanches et lisses, qui les chatouillaient aux oreilles, quand ils se retournaient ; puis, c'était du duvet de canard, où ils s'enfonçaient comme dans de l'ouate, des plumes légères de poules, dorées, bigarrées, dont ils faisaient monter un vol à chaque souffle, pareil à un vol de mouches ronflant au soleil. En hiver, ils couchaient aussi dans la pourpre des faisans, dans la cendre grise des alouettes, dans la soie mouchetée des perdrix, des cailles et des grives. Les plumes étaient vivantes encore, tièdes d'odeur. Elles mettaient des frissons d'ailes, des chaleurs de nid, entre leurs lèvres. Elles leur semblaient un large dos d'oiseau, sur lequel ils s'allongeaient, et qui les emportait, pâmés aux bras l'un de l'autre. Le matin, Marjolin cherchait Cadine, perdue au fond du panier, comme s'il avait neigé sur elle. Elle se levait ébouriffée, se secouait, sortait d'un nuage, avec son chignon où restait toujours planté quelque panache de coq.

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