Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°901)

Chapitre IV

Florent comprit enfin. Il se sentit traité en parent qu'on jette à la porte. Lisa, dans les deux derniers mois, l'habillait avec les vieux pantalons et les vieilles redingotes de Quenu ; et comme il était aussi sec que son frère était rond, ces vêtements en loques lui allaient le plus étrangement du monde. Elle lui passait aussi son vieux linge, des mouchoirs vingt fois reprisés, des serviettes effiloquées, des draps bons à faire des torchons, des chemises usées, élargies par le ventre de son frère, et si courtes, qu'elles auraient pu lui servir de vestes. D'ailleurs, il ne retrouvait plus autour de lui les bienveillances molles des premiers temps. Toute la maison haussait les épaules, comme on voyait faire à la belle Lisa ; Auguste et Augustine affectaient de lui tourner le dos, tandis que la petite Pauline avait des mots cruels d'enfant terrible, sur les taches de ses habits et les trous de son linge. Les derniers jours, il souffrit surtout à table. Il n'osait plus manger, en voyant l'enfant et la mère le regarder, lorsqu'il se coupait du pain. Quenu restait le nez dans son assiette, évitant de lever les yeux, afin de ne pas se mêler de ce qui se passait. Alors, ce qui le tortura, ce fut de ne pas savoir comment quitter la place. Il retourna dans sa tête, pendant près d'une semaine, sans oser la prononcer, une phrase pour dire qu'il prendrait désormais ses repas dehors.

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