Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°907)

Chapitre IV

Marjolin était seul à la boutique. Il y sommeillait pendant des heures, se reposant de ses longues flâneries. D'habitude, il s'asseyait, allongeait les jambes sur l'autre chaise, la tête appuyée contre le petit buffet, au fond. L'hiver, les étalages de gibier le ravissaient : les chevreuils pendus la tête en bas, les pattes de devant cassées et nouées par-dessus le cou ; les colliers d'alouettes en guirlande autour de la boutique, comme des parures de sauvages ; les grands lièvres roux, lesperdrix mouchetées, les bêtes d'eau d'un gris de bronze, les gélinottes de Russie qui arrivent dans un mélange de paille d'avoine et de charbon, et les faisans, les faisans magnifiques, avec leur chaperon écarlate, leur gorgerin de satin vert, leur manteau d'or niellé, leur queue de flamme traînant comme une robe de cour. Toutes ces plumes lui rappelaient Cadine, les nuits passées en bas, dans la mollesse des paniers.

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