Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°943)

Chapitre IV

Alors, d'une voix rapide, il lui expliqua l'abattage, les cinq énormes bancs de pierre, s'allongeant du côté de la rue Rambuteau, sous la clarté jaune des soupiraux et des becs de gaz. Une femme saignait des poulets, à un bout ; ce qui l'amena à lui faire remarquer que la femme plumait la volaille presque vivante, parce que c'est plus facile. Puis, il voulut qu'elle prît des poignées de plumes sur les bancs de pierre, dans les tas énormes qui traînaient ; il lui disait qu'on les triait et qu'on les vendait, jusqu'à neuf sous la livre, selon la finesse. Elle dut aussi enfoncer la main au fond des grands paniers pleins de duvet. Il tourna ensuite les robinets des fontaines, placées à chaque pilier. Il ne tarissait pas en détails : le sang coulait le long des bancs, faisait des mares sur les dalles ; des cantonniers, toutes les deux heures, lavaient à grandeeau, enlevaient avec des brosses rudes les taches rouges. Quand Lisa se pencha au-dessus de la bouche d'égout qui sert à l'écoulement, ce fut encore toute une histoire ; il raconta que, les jours d'orage, l'eau envahissait la cave par cette bouche ; une fois même, elle s'était élevée à trente centimètres, il avait fallu faire réfugier la volaille à l'autre extrémité de la cave, qui va en pente. Il riait encore du vacarme de ces bêtes effarouchées. Cependant, il avait fini, il ne trouvait plus rien, lorsqu'il se rappela le ventilateur. Il la mena tout au fond, lui fit lever les yeux, et elle aperçut l'intérieur d'une des tourelles d'angle, une sorte de large tuyau de dégagement, où l'air nauséabond des resserres montait.

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