Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°962)

Chapitre IV

Claude et Florent, en effet, revenaient harassés et heureux. Ils rapportaient une bonne senteur de plein air. Ce matin-là, avant le jour, madame François avait déjà vendu ses légumes. Ils allèrent tous trois chercher la voiture, rue Montorgueil, au Compas d'or. Ce fut comme un avant-goût de la campagne, en plein Paris. Derrière le restaurant Philippe, dont les boiseries dorées montent jusqu'au premier étage, se trouve une cour de ferme, noire et vivante, grasse de l'odeur de la paille fraîche et du crottin chaud ; des bandes de poules fouillent du bec la terre molle ; des constructions en bois verdi, des escaliers, des galeries, des toitures crevées, s'adossent aux vieilles maisons voisines ; et, au fond, sous un hangar à grosse charpente, Balthazar attendait, tout attelé, mangeant son avoine dans un sac attaché au licou. Il descendit la rue Montorgueil au petit trot, l'air satisfait de retourner si vite à Nanterre. Mais il ne repartait pas à vide. La maraîchère avait un marché passé avec la compagnie chargée du nettoyage des Halles ; elle emportait, deux fois par semaine, une charretée de feuilles, prises à la fourche dans les tas d'ordures qui encombrent le carreau. C'était un excellent fumier. En quelques minutes, la voiture déborda. Claude et Florent s'allongèrent sur ce lit épais de verdure ; madame François prit les guides, et Balthazar s'en alla de sonallure lente, la tête un peu basse d'avoir tant de monde à traîner.

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