Le Ventre de Paris

Le Ventre de Paris (paragraphe n°978)

Chapitre IV

Florent allait et venait, dans l'odeur du thym que le soleil chauffait. Il était profondément heureux de la paix et de la propreté de la terre. Depuis près d'un an, il ne connaissait les légumes que meurtris par les cahots des tombereaux, arrachés de la veille, saignants encore. Il se réjouissait, à les trouver là chez eux, tranquilles dans le terreau, bien portants de tous leurs membres. Les choux avaient une large figure de prospérité, les carottes étaient gaies, les salades s'en allaient à la file avec des nonchalances de fainéantes. Alors, les Halles, qu'il avait laissées le matin, lui parurent un vaste ossuaire, un lieu de mort où ne traînait que le cadavre des êtres, un charnier de puanteur et de décomposition. Et il ralentissait le pas, et il se reposait dans le potager de madame François, comme d'une longue marche au milieu de bruits assourdissants et de senteurs infectes. Le tapage, l'humidité nauséabonde du pavillon de la marée s'en allaient de lui ; il renaissait à l'air pur. Claude avait raison, tout agonisait aux Halles. La terre était la vie, l'éternel berceau, la santé du monde.

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