Nana

Nana (paragraphe n°1027)

Chapitre V

En bas, dans la buvette de madame Bron, un figurant, chargé du rôle de Pluton, buvait seul, drapé d'une grande robe rouge à flammes d'or. Le petit commerce de la concierge avait dû bien marcher, car le trou de cave, sous l'escalier, était tout humide des rinçures de verre répandues. Clarisse releva sa tunique d'Iris, qui traînait sur les marches grasses. Mais elle s'arrêta prudemment, elle se contenta d'allonger la tête, au tournant del'escalier, pour jeter un coup d'œil dans la loge. Et elle avait eu du flair. Est-ce que cet idiot de la Faloise n'était pas encore là, sur la même chaise, entre la table et le poêle ! Il avait fait mine de filer devant Simonne, puis il était revenu. D'ailleurs, la loge était toujours pleine de messieurs, gantés, corrects, l'air soumis et patients. Tous attendaient, en se regardant avec gravité. Il n'y avait plus sur la table que les assiettes sales, madame Bron venait de distribuer les derniers bouquets ; seule une rose tombée se fanait, près de la chatte noire, qui s'était couchée en rond, tandis que les petits chats exécutaient des courses folles, des galops féroces, entre les jambes des messieurs. Clarisse eut un instant l'envie de flanquer la Faloise dehors. Ce crétin là n'aimait pas les bêtes ; ça le complétait. Il rentrait les coudes, à cause de la chatte, pour ne pas la toucher.

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