Nana

Nana (paragraphe n°1097)

Chapitre VI

L'après-midi, elle éprouva une inquiétude. Georges, qui tout de suite, au sortir de table, s'était plaint d'une lourdeur de tête, parut peu à peu envahi par une migraine atroce. Vers quatre heures, il voulut monter se coucher, c'était le seul remède ; quand il aurait dormi jusqu'au lendemain, il se porterait parfaitement. Sa mère tint à lemettre au lit elle-même. Mais, comme elle sortait, il sauta donner un tour à la serrure, il prétexta qu'il s'enfermait pour qu'on ne vînt pas le déranger ; et il criait bonsoir ! à demain, petite mère ! d'une voix de caresse, tout en promettant de ne faire qu'un somme. Il ne se recoucha pas, le teint clair, les yeux vifs, se rhabillant sans bruit, puis attendant, immobile sur une chaise. Quand on sonna le dîner, il guetta le comte Muffat qui se dirigeait vers le salon. Dix minutes plus tard, certain de n'être pas vu, il alla lestement par la fenêtre, en s'aidant d'un tuyau de descente ; sa chambre, située au premier étage, donnait sur le derrière de la maison. Il s'était jeté dans un massif, il sortit du parc et galopa à travers champs, du côté de la Choue, le ventre vide, le cœur sautant d'émotion. La nuit venait, une petite pluie fine commençait à tomber.

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