Nana

Nana (paragraphe n°1275)

Chapitre VI

A la Mignotte, on se querella pendant le repas. Nana avait trouvé une lettre de Bordenave, où il lui conseillait de prendre du repos, en ayant l'air de se ficher d'elle ; la petite Violaine était rappelée deux fois tous les soirs. Et, comme Mignon la pressait encore de partir le lendemain avec eux, Nana, exaspérée, déclara qu'elle entendait ne pas recevoir de conseils. D'ailleurs, elle s'était montrée, à table, d'un collet-monté ridicule. Madame Lerat, ayant lâché un mot raide, elle cria que, nom de Dieu ! elle n'autorisait personne, pas même sa tante, à dire des saletés en sa présence. Puis, elle rasa tout le monde par ses bons sentiments, un accès d'honnêteté bête, avec des idées d'éducation religieuse pour Louiset et tout un plan de bonne conduite pour elle. Comme on riait, elle eut des mots profonds, des hochements de bourgeoise convaincue, disant que l'ordre seul menait à la fortune, etqu'elle ne voulait pas mourir sur la paille. Ces dames, agacées, se récriaient : pas possible, on avait changé Nana ! Mais elle, immobile, retombait dans sa rêverie, les yeux perdus, voyant se lever la vision d'une Nana très riche et très saluée.

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