Nana

Nana (paragraphe n°1439)

Chapitre VII

Une averse tomba. Deux sergents de ville approchaient, et il dut quitter le coin de porte où il s'était réfugié. Lorsqu'ils se furent perdus dans la rue de Provence, il revint, mouillé, frissonnant. La raie lumineuse barrait toujours la fenêtre. Cette fois, il allait partir, quand une ombre passa. Ce fut si rapide, qu'il crut s'être trompé. Mais, coup sur coup, d'autres taches coururent, toute une agitation eut lieu dans la chambre. Lui, cloué de nouveau sur le trottoir, éprouvait unesensation intolérable de brûlure à l'estomac, attendant pour comprendre, maintenant. Des profils de bras et de jambes fuyaient ; une main énorme voyageait avec une silhouette de pot à eau. Il ne distinguait rien nettement ; pourtant il lui semblait reconnaître un chignon de femme. Et il discuta : on aurait dit la coiffure de Sabine, seulement la nuque paraissait trop forte. A cette heure, il ne savait plus, il ne pouvait plus. Son estomac le faisait tellement souffrir, dans une angoisse d'incertitude affreuse, qu'il se serrait contre la porte, pour se calmer, avec le grelottement d'un pauvre. Puis, comme, malgré tout, il ne détournait pas les yeux de cette fenêtre, sa colère se fondit dans une imagination de moraliste : il se voyait député, il parlait à une Assemblée, tonnait contre la débauche, annonçait des catastrophes ; et il refaisait l'article de Fauchery sur la mouche empoisonnée, et il se mettait en scène, en déclarant qu'il n'y avait plus de société possible, avec ces mœurs de Bas-Empire. Cela lui fit du bien. Mais les ombres avaient disparu. Sans doute ils s'étaient recouchés. Lui, regardait toujours, attendait encore.

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