Nana

Nana (paragraphe n°2499)

Chapitre XII

Il y eut une fanfare. C'était un quadrille, le monde refluait aux deux côtés du salon, pour laisser la place libre. Des robes claires passaient, se mêlaient, au milieu des taches sombres des habits ; tandis que la grande lumière mettait, sur la houle des têtes, des éclairs de bijoux, un frémissement de plumes blanches, une floraison de lilas et de roses. Il faisait déjà chaud, un parfum pénétrant montait de ces tulles légers, de ces chiffonnages de satin et de soie, où les épaules nues pâlissaient, sous les notes vives de l'orchestre. Par les portes ouvertes, au fond des pièces voisines, on voyaitdes rangées de femmes assises, avec l'éclat discret de leur sourire, une lueur des yeux, une moue de la bouche, que battait le souffle des éventails. Et des invités arrivaient toujours, un valet lançait des noms, tandis que, lentement, au milieu des groupes, des messieurs tâchaient de caser des dames, embarrassées à leurs bras, se haussant, cherchant de loin un fauteuil libre. Mais l'hôtel s'emplissait, les jupes se tassaient avec un petit bruit, il y avait des coins où une nappe de dentelles, de nœuds, de poufs bouchait le passage, dans la résignation polie de toutes, faites à ces cohues éblouissantes, gardant leur grâce. Cependant, au fond du jardin, sous la lueur rosée des lanternes vénitiennes, des couples s'enfonçaient, échappés à l'étouffement du grand salon, des ombres de robes filaient au bord de la pelouse, conune rythmées par la musique du quadrille, qui prenait, derrière les arbres, une douceur lointaine.

?>