Nana

Nana (paragraphe n°2707)

Chapitre XIII

Elle était allée ouvrir la porte. Il ne sortit pas. Maintenant, c'était sa façon de l'attacher davantage ; pour un rien, à la moindre querelle, elle lui mettait le marché en main, avec des réflexions abominables. Ah bien ! elle trouverait toujours mieux que lui, elle avait l'embarras du choix ; on ramassait des hommes dehors, tant qu'on en voulait, et des hommes moins godiches, dont le sang bouillait dans les veines. Il baissait la tête, il attendait des heures plus douces, lorsqu'elle avait un besoin d'argent ; alors, elle se faisait caressante, et il oubliait, une nuit de tendresse compensait les tortures de toute une semaine. Son rapprochement avec sa femme lui avait rendu son intérieur insupportable. La comtesse, lâchée par Fauchery, qui retombait sous l'empire de Rose, s'étourdissait à d'autres amours, dans le coup de fièvre inquiet de la quarantaine, toujours nerveuse, emplissant l'hôtel du tourbillon exaspérant de sa vie. Estelle, depuis son mariage, ne voyait plus son père ; chez cette fille, plate et insignifiante, une femme d'une volonté de fer avait brusquement paru, si absolue, que Daguenet tremblait devant elle ; maintenant, il l'accompagnait à lamesse, converti, furieux contre son beau-père qui les ruinait avec une créature. Seul, monsieur Venot restait tendre pour le comte, guettant son heure ; même il en était arrivé à s'introduire près de Nana, il fréquentait les deux maisons, où l'on rencontrait derrière les portes son continuel sourire. Et Muffat, misérable chez lui, chassé par l'ennui et la honte, préférait encore vivre avenue de Villiers, au milieu des injures.

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