Nana

Nana (paragraphe n°2850)

Chapitre XIV

Nana morte ! Par exemple, une si belle fille ! Mignon soupira d'un air soulagé ; enfin Rose allait descendre. Il y eut un froid. Fontan, qui rêvait un rôle tragique, avait pris une expression de douleur, les coins de la bouche tirés, les yeux renversés au bord des paupières ; pendant que Fauchery, réellement touché dans sa blague de petit journaliste, mâchait nerveusement son cigare. Pourtant les deux femmes continuaient à s'exclamer. La dernière fois que Lucy l'avait vue, c'était à la Gaîté ; Blanche également, dans Mélusine. Oh ! épatante, ma chère, lorsqu'elle paraissait au fond de la grotte de cristal ! Ces messieurs se la rappelaient très bien. Fontan jouait le prince Cocorico. Et, leurs souvenirs éveillés, ce furent des détails interminables. Hein ? dans la grotte de cristal, quel chic avec sa riche nature ! Elle ne disait pas un mot, même les auteurs lui avaient coupé une réplique, parce que ça gênait ; non, rien du tout, c'était plus grand, et elle vous retournait son public, rien qu'à se montrer. Un corps comme on n'en retrouverait plus, des épaules, des jambes et une taille ! Etait-ce drôle qu'elle fût morte ! Vous savez qu'elle avait simplement, par-dessus son maillot, une ceinture d'or qui lui cachait à peine le derrière et le devant. Autour d'elle, la grotte, tout en glace, faisait une clarté ; des cascades de diamants se déroulaient, des colliers de perles blanches ruisselaient parmi les stalactites de la voûte ; et, dans cette transparence, dans cette eau de source, traversée d'un large rayon électrique, elle semblait un soleil, avec sa peau et ses cheveux de flamme. Paris la verrait toujours comme ça, allumée au milieu du cristal, en l'air, ainsi qu'un bon Dieu. Non, c'était trop bête de se laisser mourir, dans une pareille position ! Maintenant, elle devait être jolie, là-haut !

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