Nana

Nana (paragraphe n°86)

Chapitre I

Mais un léger frémissement agita la salle. Rose Mignon venait d'entrer, en Diane. Bien quelle n'eût ni la taille ni la figure du rôle, maigre et noire, d'une laideur adorable de gamin parisien, elle parut charmante, comme une raillerie même du personnage. Son air d'entrée, des paroles bêtes à pleurer, où elle se plaignait de Mars, qui était en train de la lâcher pour Vénus, fut chanté avec une réserve pudique, si pleine de sous-entendus égrillards, que le public s'échauffa. Le mari et Steiner, coude àcoude, riaient complaisamment. Et toute la salle éclata, lorsque Prullière, cet acteur si aimé, se montra en général, un Mars de la Courtille, empanaché d'un plumet géant, traînant un sabre qui lui arrivait à l'épaule. Lui, avait assez de Diane ; elle faisait trop sa poire. Alors, Diane jurait de le surveiller et de se venger. Le duo se terminait par une tyrolienne bouffonne, que Prullière enleva très drôlement, d'une voix de matou irrité. Il avait une fatuité amusante de jeune premier en bonne fortune, et roulait des yeux de bravache, qui soulevaient des rires aigus de femme, dans les loges.

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