Nana

Nana (paragraphe n°953)

Chapitre V

Et il but d'un trait. Le comte Muffat et le marquis de Chouard l'avaient imité. On ne plaisantait plus, on était à la cour. Ce monde du théâtre prolongeait le monde réel, dans une farce grave, sous la buée ardente du gaz. Nana, oubliant qu'elle était en pantalon, avec son bout de chemise, jouait la grande dame, la reine Vénus, ouvrant ses petits appartements aux personnages de l'Etat. A chaque phrase, elle lâchait les mots d'Altesse Royale, elle faisait des révérences convaincues, traitait ces chienlits de Bosc et de Prullière en souverain que son ministre accompagne. Et personne ne souriait de cet étrange mélange, de ce vrai prince, héritier d'un trône, qui buvait le champagne d'un cabotin, très à l'aise dans ce carnaval des dieux, dans cette mascarade de la royauté, au milieu d'un peuple d'habilleuses et de filles, de rouleurs de planches et de montreurs de femmes. Bordenave, enlevé par cette mise en scène, songeait aux recettes qu'il ferait, si Son Altesse avait consenti à paraître comme ça, au second acte de la Blonde Vénus.

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