Pot-Bouille

Pot-Bouille (paragraphe n°1960)

Chapitre XI

Dès le soir, des querelles commencèrent. La famille se trouvait devant un désastre. Monsieur Vabre, avec cette insouciance sceptique que les notaires montrent parfois, ne laissait pas de testament. On fouilla en vain tous les meubles, et le pis fut qu'il n'y avait pas un sou des six ou sept cent mille francs espérés, ni argent, ni titres, ni actions ; on découvrit seulement sept cent trente-quatre francs en pièces de dix sous, une cachette de vieillard gâteux. Et des traces irrécusables, un carnet ouvert de chiffres, des lettres d'agents de change apprirent aux héritiers, blêmes de colère, le vice secret dubonhomme, une passion effrénée du jeu, un besoin maladroit et enragé de l'agiotage, qu'il cachait sous l'innocente manie de son grand travail de statistique. Tout y passait, ses économies de Versailles, les loyers de sa maison, jusqu'aux sous qu'il carottait à ses enfants ; même, dans les dernières années, il en était venu à hypothéquer la maison de cent cinquante mille francs, en trois fois. La famille resta atterrée en face du fameux coffre-fort, où elle croyait la fortune sous clef, et dans lequel il y avait simplement un monde d'objets singuliers, des débris ramassés à travers les pièces, vieilles ferrailles, vieux tessons, vieux rubans, parmi des jouets en morceaux, volés jadis au petit Gustave.

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