Pot-Bouille

Pot-Bouille (paragraphe n°2079)

Chapitre XII

Jusque-là, du reste, Berthe, au moindre mot, jetait son honnêteté à la figure d'Auguste. Elle se conduisait bien, il devait s'estimer heureux ; car, pour elle comme pour sa mère, la légitime mauvaise humeur d'un mari commençait seulement au flagrant délit de la femme. Cette honnêteté réelle, dans les premières gloutonneries où elle gâchait son appétit, ne lui coûtait pourtant pas un gros sacrifice. Elle était de nature froide, d'un égoïsme rebelle aux tracas de la passion, préférant se donner toute seule des jouissances, sans vertu d'ailleurs. La cour que lui faisait Octave la flattait, simplement, après ses échecs de fille à marier qui s'était crue abandonnée des hommes ; et elle en tirait en outre toutes sortes de profits, dont elle bénéficiait avec sérénité, ayant grandi dans le désir enragé de l'argent. Un jour, elle avait laissé le commis payer pour elle cinq heures de voiture ; un autre jour, sur le point de sortir, elle s'était fait prêter trente francs, derrière le dos de son mari, en disant avoir oublié son porte-monnaie. Jamais elle ne rendait. Ce jeune homme ne tirait pas à conséquence ; elle n'avait aucune idée sur lui, elle l'utilisait, toujours sans calcul, au petit bonheur de ses plaisirs et des événements. Et, en attendant, elle abusait de son martyre de femme maltraitée, qui remplissait strictement ses devoirs.

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