Pot-Bouille

Pot-Bouille (paragraphe n°2237)

Chapitre XIII

De retour dans la chambre de Rachel, Octave éprouva une nouvelle déception. Berthe ne s'y trouvait pas. Une colère le prenait maintenant : elle s'était jouée de lui, elle avait promis uniquement pour se débarrasser de ses prières. Pendant qu'il se brûlait le sang à l'attendre, elle dormait, heureuse d'être seule, tenant la largeur du lit conjugal. Alors, au lieu de regagner sa chambre et de dormir de son côté, il s'entêta, se coucha tout habillé, passa la nuit à rouler des projets de revanche. Cette chambre de bonne, nue et froide, l'irritait à cette heure, avec ses murs sales, sa pauvreté, son insupportable odeur de fille mal tenue ; et il ne voulait pas s'avouer dans quelle bassesse son amour exaspéré avait rêvé de se satisfaire. Trois heures sonnèrent au loin. Des ronflements de bonnes robustes montaient à sa gauche ; parfois, des pieds nus sautaient sur le carreau, puis un ruissellement de fontaine faisait vibrer le plancher. Mais ce qui l'énervait le plus, c'était, à sa droite, une plainte continue, une voix de douleur geignant dans la fièvre d'une insomnie. Il finit par reconnaître la voix de la piqueuse de bottines. Est-ce qu'elle accouchait ? La malheureuse, toute seule, agonisait sous les toits, dans un de ces cabinets de misère, où il n'y avait même plus de place pour son ventre.

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