Pot-Bouille

Pot-Bouille (paragraphe n°2501)

Chapitre XIV

Dans l'escalier, Berthe grelotta. Il y faisait froid, on n'allumait le calorifère que le premier novembre. Cependant, sa peur se calmait. Elle était descendue, avait écouté à la porte de son appartement : rien, pas un bruit. Elle était montée, n'osant s'avancer jusqu'à la chambre d'Octave, prêtant l'oreille de loin : un silence de mort, plus un murmure. Alors, elle s'accroupit sur le paillasson de ses parents, où elle comptait vaguement attendre Adèle ; car l'idée de tout avouer à sa mère la bouleversait, comme si elle était encore petite fille. Mais, peu à peu, la solennité de l'escalier l'emplit d'une nouvelle angoisse. Il était noir, il était sévère. Personne ne la voyait, et une confusion la prenait pourtant, à être ainsi en chemise, dans l'honnêteté des zincs dorés et des faux marbres. Derrière les hautes portes d'acajou, la dignité conjugale des alcôves exhalait un reproche. Jamais la maison n'avait respiré d'une haleine si vertueuse. Puis, un rayon de lune glissa par les fenêtres des paliers, et l'on eût dit une église : un recueillement montait du vestibule aux chambres de bonne, toutes les vertus bourgeoises des étages fumaient dans l'ombre ; tandis que, sous la pâle clarté, sa nudité blanchissait. Elle se sentit un scandale pour les murs, elle ramena sa chemise, cacha ses pieds,avec la terreur de voir paraître le spectre de monsieur Gourd, en calotte et en pantoufles.

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