Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°1425)

Chapitre VIII

Quant à Clorinde, elle ne se contentait pas d'avoir la haute main sur toute la bande. Elle menait des opérationstrès compliquées, dont elle n'ouvrait la bouche à personne. Jamais on ne l'avait rencontrée, le matin, dans des peignoirs aussi mal agrafés, traînant plus passionnément, au fond de quartiers louches, son portefeuille de ministre, crevé aux coutures, sanglé de bouts de corde. Elle donnait à son mari des commissions extraordinaires, que celui-ci faisait avec une douceur de mouton, sans comprendre. Elle envoyait Luigi Pozzo porter des lettres ; elle demandait à monsieur de Plouguern de l'accompagner, puis le laissait pendant une heure, sur un trottoir, à attendre. Un instant, la pensée dut lui venir de faire agir le gouvernement italien en faveur de Rougon. Sa correspondance avec sa mère, toujours fixée à Turin, prit une activité folle. Elle rêvait de bouleverser l'Europe, et allait jusqu'à deux fois par jour chez le chevalier Rusconi, pour y rencontrer des diplomates. Souvent, maintenant, dans cette campagne si étrangement conduite, elle semblait se souvenir de sa beauté. Alors, certaines après-midi, elle sortait débarbouillée, peignée, superbe. Et, quand ses amis, surpris eux-mêmes, lui disaient qu'elle était belle :

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