Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°2537)

Chapitre XII

Chaque jeudi et chaque dimanche, les soirées se ressemblaient. Au-dehors, le bruit courait que madame Delestang avait un salon politique. On s'y montrait très libéral, on y battait en brèche l'administration autoritaire de Rougon. Toute la bande était passée au rêve d'un Empire humanitaire, élargissant peu à peu et à l'infini le cercle des libertés publiques. Le colonel, à ses moments perdus, rédigeait des statuts pour des associations d'ouvriers ; monsieur Béjuin parlait de créer une cité autour de sa cristallerie de Saint-Florent ; monsieur Kahn, pendant des heures, entretenait Delestang du rôle démocratique des Bonaparte dans la société moderne. Et, à chaque nouvel acte de Rougon, il y avait des protestations indignées, des terreurs patriotiques de voir la France sombrer aux mains d'un tel homme. Un jour, Delestang soutint que l'empereur était le seul républicainde l'époque. La bande affectait des allures de secte religieuse apportant le salut. Maintenant, elle complotait d'une façon ouverte le renversement du gros homme, pour le plus grand bien du pays.

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