Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°273)

Chapitre II

Cependant, une causerie intime s'était engagée. Rougon, qui ficelait de nouveau des paquets, assurait que la politique n'était pas son affaire. Il souriait, d'un air bonhomme, tandis que ses paupières, comme lasses, retombaient sur la flamme de ses yeux. Lui, aurait voulu avoir d'immenses terres à cultiver, avec des champs qu'ilcreuserait à sa guise, avec des troupeaux de bêtes, des chevaux, des bœufs, des moutons, des chiens, dont il serait le roi absolu. Et il racontait qu'autrefois, à Plassans, lorsqu'il n'était encore qu'un petit avocat de province, sa grande joie consistait à partir en blouse, à chasser pendant des journées dans les gorges de la Seille, où il abattait des aigles. Il se disait paysan, son grand-père avait pioché la terre. Puis, il en vint à faire l'homme dégoûté du monde. Le pouvoir l'ennuyait. Il allait passer l'été à la campagne. Jamais il ne s'était senti plus léger que depuis le matin ; et il imprimait à ses fortes épaules un haussement formidable, comme s'il avait jeté bas un fardeau.

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