Son Excellence Eugène Rougon

Son Excellence Eugène Rougon (paragraphe n°530)

Chapitre III

Lui, la regarda fixement. Un soupçon l'effleurait. Mais elle était si adorable maintenant, renversée au fond du fauteuil, dans une pose languissante, comme si leschagrins de son " bon ami " l'eussent brisée, qu'il ne s'arrêta pas au léger froid qui venait de passer sur sa nuque. Elle le flatta beaucoup. Certes, il ne resterait pas longtemps à l'écart, il redeviendrait le maître quelque jour. Elle était sûre qu'il devait nourrir de grandes pensées et avoir confiance en son étoile, car cela se lisait sur son front. Pourquoi ne la prenait-il pas pour confidente ? Elle était si discrète, elle serait si heureuse d'être de moitié dans son avenir ! Rougon, grisé, cherchant toujours à rattraper les petites mains qui s'enfonçaient dans la dentelle, parla encore, parla toujours, à ce point qu'il lâcha tout ses espérances, ses certitudes. Elle ne le poussait plus, le laissant aller, sans un geste, de peur de l'arrêter. Elle l'examinait, le détaillait membre à membre, sondant son crâne, pesant ses épaules, mesurant sa poitrine. C'était décidément un homme solide, qui, toute forte qu'elle était, l'aurait jetée d'un tour de poignet sur son dos, et emportée ainsi sans se gêner, aussi haut qu'elle aurait voulu.

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